Différents financements dans une même formation ?

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Les Experts Compétences ont été confronté à cette problématique. Elle perdure toujours

🎓 Financements croisés en formation longue : une pratique en danger ?

Dans la formation professionnelle, en particulier pour les titres professionnels et formations longues certifiantes, la logique économique a souvent reposé sur un principe simple mais efficace : regrouper différents financeurs dans une même cohorte. Transition Pro, Pôle emploi, financement personnel, entreprise, Région (AIRE2)… Tous cohabitaient dans la même salle pour un même cursus, avec les mêmes intervenants, les mêmes ressources pédagogiques, et le même examen.

  1. Différents financements dans une même formation

Mais aujourd’hui, ce modèle est remis en question. France Compétences et certaines autorités de contrôle semblent de plus en plus réticentes à valider cette logique, arguant d’un manque de lisibilité financière, voire d’un risque d’irrégularité. Que faire ? Faut-il renoncer à cette pratique ? Comment maintenir la viabilité des parcours longs sans renier la diversité des publics ?

Différents financements dans une même formation ?

1. Le modèle économique du « cofinancement invisible »


Une solution pragmatique à un problème de seuil de rentabilité
Ouvrir un titre professionnel, c’est mobiliser un plateau technique, des formateurs qualifiés, un référent handicap, un suivi individualisé, un passage devant un jury… Bref, un coût élevé. Or, avec des cohortes de 8 à 12 stagiaires minimum pour atteindre le point mort, un seul financeur ne suffit pas à remplir la salle.

Mélanger les sources permet :

  • de rendre les sessions viables économiquement,
  • de permettre à tous les publics d’accéder à la formation, même avec des enveloppes disparates,
  • d’optimiser les calendriers et les ressources humaines.

Des prix disparates, mais une ingénierie commune
C’est là le paradoxe : les prix sont très différents selon les financeurs, par exemple :

  • Transition Pro : 13 000 € (souvent basé sur des grilles internes),
  • Pôle emploi : 7 000 € (selon appels à projets ou AIF plafonnés),
  • Région : entre 5 000 et 8 000 € via AIRE2,
  • CPF ou autofinancement : autour de 5 000 € selon les moyens du bénéficiaire.

L’OF lisse alors cette hétérogénéité en tenant une logique de panier moyen par session, pour couvrir ses charges fixes. Mais ce modèle n’est pas explicitement reconnu par les autorités.

 

2. Le durcissement réglementaire : une logique de silo ?


France Compétences et le mythe de l’unicité de financement
Depuis quelques mois, plusieurs OF ont été alertés lors de contrôles qualité ou financiers : la mixité de financement pour un même parcours serait à éviter, sauf dans des dispositifs très encadrés (type POEC ou AFC à cofinancement officiel). Le raisonnement est :

« Chaque financeur doit avoir une action clairement identifiée, avec son coût propre et un suivi individualisé. »

Cette approche induit une logique de « parcours par silo » : chaque financement = un parcours = une session dédiée.

Conséquence : explosion des coûts ou renoncement à l’offre
Mais cette doctrine heurte le terrain :

  • Impossibilité de remplir les sessions si l’on segmente par financeur,
  • Risque d’annuler des parcours faute de seuils atteints,
  • Complexification de la gestion logistique et administrative.

Résultat : des OF renoncent à ouvrir des formations pourtant stratégiques, notamment dans les métiers en tension (santé, bâtiment, numérique).

 

3. Vers une reconnaissance encadrée de la mutualisation ?


Propositions concrètes pour sécuriser le modèle

  • Formaliser la répartition des coûts en interne
  • Créer une grille de répartition par stagiaire avec le coût moyen de revient, la part financée, la marge éventuelle.
  • Justifier que le contenu pédagogique est identique, mais le reste (accompagnement, outils, RH) peut varier selon le financement.
  • Intégrer cette logique dans les contrats
  • Prévoir une clause dans les conventions de formation ou les contrats pédagogiques indiquant que la session est mutualisée, tout en assurant l’égalité de traitement pédagogique.
  • Proposer une contractualisation par module
  • Vendre à chaque financeur des blocs de compétences ou modules, chacun avec son coût, pour éviter la logique du « tout ou rien ».
  • Consolider le modèle économique via des simulateurs

Construire un outil de simulation de panier moyen par session, à présenter en cas de contrôle pour prouver la viabilité et la transparence du système.

 

4. Appel à une clarification nationale


Les OF ont besoin de stabilité et de règles claires. Il devient urgent que France Compétences, les OPCO et les Régions :

  • reconnaissent officiellement la pratique des cohortes mixtes, encadrée et transparente,
  • publient un cadre juridique clair de mutualisation pédagogique,
  • évitent des injonctions contradictoires entre la logique terrain et la logique normative.

Sans cela, c’est la formation qualifiante qui sera la grande perdante : trop chère pour les individus, trop complexe pour les financeurs, et trop risquée pour les OF.


La mixité de financement dans les sessions longues est une nécessité opérationnelle et économique, pas une fraude ni une tricherie. C’est une réponse terrain à un modèle de financement éclaté et partiellement désengagé. Ce que demandent les OF aujourd’hui, ce n’est pas de contourner les règles : c’est que les règles s’adaptent à la réalité. Si ce modèle n’est plus possible, alors il faut des solutions alternatives : tarification unifiée, contrats multipartenaires, guichets uniques, ou dispositifs hybrides pérennes.

 

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SOURCES

  • France Compétences – Orientations 2024
  • Transition Pro – Règlements de financement individuels
  • OPCO EP / Constructys / AKTO – Cahiers des charges financement long
  • DREETS – Retours d’expériences terrain
  • Témoignages de dirigeants d’OF (secteurs sanitaire, tertiaire, BTP)

 

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