NPEC encore un décret qui tue

Les Experts Compétences n’en peuvent plus… Dans un contexte déjà marqué par des tensions budgétaires et une baisse progressive des entrées en alternance, ces changements méritent une lecture attentive. Ils traduisent un pilotage plus centralisé, plus normé et plus contraint du financement de l’apprentissage.

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  10. NPEC encore un décret qui tue.

Un nouveau décret, publié le 9 décembre 2025, modifie en profondeur les règles de détermination des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d’apprentissage. Derrière des ajustements techniques, le décret n° 2025-1174 du 8 décembre 2025 introduit des évolutions structurantes pour les organismes de formation, les branches professionnelles et les opérateurs de compétences.

NPEC encore un décret qui tue

1. Un plafonnement inédit des frais de communication

Le décret instaure une nouveauté très concrète :

Les charges de communication prises en compte dans le calcul du NPEC sont désormais plafonnées à 300 euros par apprenti et par an.

Jusqu’à présent, ces dépenses pouvaient être intégrées sans plafond explicite, dans la limite de leur caractère justifié.

Ce que cela change pour les OF

  • reconnaissance officielle des frais de communication… mais dans un cadre strictement borné ;

  • pression accrue sur les stratégies de recrutement des apprentis ;

  • risque de fragilisation pour les organismes fortement dépendants de campagnes d’acquisition (digital, salons, orientation).

👉 Ce plafonnement s’inscrit clairement dans une logique de maîtrise des coûts, plus que de soutien au développement de l’offre.


2. Un rôle renforcé de France compétences dans le recensement des contrats

Le décret formalise une méthode déjà partiellement mise en œuvre :

  • France compétences, en lien avec les Opco, recense périodiquement les contrats d’apprentissage conclus ;

  • ce recensement est effectué par certification et par branche (CPNE ou commission paritaire) ;

  • il sert de base à l’élaboration des recommandations sur les niveaux et règles de prise en charge.

Cette évolution confirme la montée en puissance de France compétences comme acteur central du pilotage financier de l’alternance.


3. Des NPEC désormais fixés pour une durée minimale de trois ans

Autre évolution majeure :

  • la durée minimale d’application d’un NPEC passe de 2 ans à 3 ans ;

  • ce NPEC reste applicable lors du renouvellement de l’enregistrement RNCP, sauf modification substantielle du diplôme ou du titre.

Une stabilité relative

Cette mesure peut être lue de deux manières :

  • positivement, comme un facteur de visibilité accrue pour les acteurs ;

  • plus prudemment, comme un gel prolongé de niveaux de financement parfois déjà sous tension.

La stabilité apportée est donc réelle, mais conditionnée aux recommandations de France compétences, qui peuvent toujours conduire à des ajustements.


4. Une procédure de détermination des NPEC profondément réorganisée

Le décret modifie la logique même de construction des NPEC.

Désormais : une procédure descendante

  • France compétences publie ses recommandations ;

  • les branches disposent de 3 mois pour les prendre en compte ;

  • ce délai court à compter de la publication au Bulletin officiel du ministère du Travail.

Auparavant, la procédure reposait davantage sur une initiative des branches, avec des délais plus courts et un enchaînement différent.

👉 Le changement est clair : les recommandations de France compétences deviennent le point de départ, et non plus une étape intermédiaire.


5. Cas particuliers : NPEC intermédiaires et diplômes modifiés

Le décret précise les situations dans lesquelles un NPEC doit être déterminé en cours de cycle, notamment lorsque :

  • un diplôme ou titre voit son enregistrement RNCP renouvelé avec modification substantielle ;

  • le NPEC n’a pas été fixé lors de la procédure initiale.

Dans ces cas :

  • France compétences publie ses recommandations ;

  • les branches disposent également de 3 mois pour déterminer le NPEC.

Cette clarification vise à éviter les zones grises, mais elle renforce encore le rôle normatif de France compétences.


6. Révision des recommandations : des délais allongés mais un contrôle accru

Lorsque France compétences révise ses recommandations au cours des trois années d’application d’un NPEC :

  • les branches disposent désormais de 2 mois pour les prendre en compte (contre 1 mois auparavant) ;

  • les Opco doivent transmettre « sans délai » les NPEC arrêtés à France compétences.

En parallèle, France compétences communique au fil de l’eau au ministère du Travail :

  • les branches n’ayant pas respecté leurs obligations ;

  • les diplômes ou titres concernés.

👉 Ce suivi renforcé traduit une logique de redevabilité accrue des branches professionnelles.


7. Une réforme technique… aux effets très concrets

Pris dans leur ensemble, ces ajustements dessinent une orientation claire :

  • pilotage plus centralisé du financement de l’apprentissage ;

  • encadrement renforcé des coûts jugés périphériques ;

  • responsabilisation accrue des branches et des Opco ;

  • réduction des marges de manœuvre des organismes de formation.

Dans un contexte de ralentissement des entrées en alternance, ces évolutions interrogent la capacité du système à concilier maîtrise budgétaire et développement de l’offre.

 


Ce que les organismes de formation doivent retenir

1. Une contrainte financière supplémentaire
Le plafonnement des frais de communication à 300 € par apprenti réduit mécaniquement les marges de manœuvre des organismes, en particulier pour ceux qui investissent fortement dans l’orientation, l’attractivité des métiers et le recrutement des publics.

2. Un pilotage plus centralisé par France compétences
Les recommandations de France compétences deviennent le point de départ du processus de détermination des NPEC. Les branches disposent de moins de latitude stratégique et doivent s’inscrire dans un cadre plus normé.

3. Une visibilité accrue… sous conditions
La fixation des NPEC pour trois ans apporte une stabilité bienvenue, mais elle fige aussi des niveaux de financement parfois déjà en tension, dans un contexte de hausse des coûts pour les OF.

4. Une exigence renforcée de conformité et d’anticipation
Les délais, les obligations de transmission et le suivi « au fil de l’eau » impliquent une organisation interne plus rigoureuse et une veille réglementaire renforcée.

 


Ce décret dans la continuité des arbitrages budgétaires récents

Pris isolément, le décret du 8 décembre 2025 pourrait être lu comme un simple ajustement technique. Replacé dans son contexte, il s’inscrit clairement dans une dynamique plus large.

Depuis plusieurs mois, les acteurs de la formation alertent sur des arbitrages budgétaires jugés asphyxiants et incohérents. Baisse des aides, révisions successives des niveaux de prise en charge, introduction de restes à charge : ces décisions successives ont déjà fragilisé l’écosystème.

Le présent décret en est une traduction opérationnelle supplémentaire. Il ne remet pas en cause l’apprentissage sur le plan pédagogique, mais il resserre encore le cadre économique dans lequel les organismes doivent opérer.

Il confirme également le constat développé dans nos précédentes analyses :

  • la dynamique de l’alternance ne s’effondre pas, mais elle s’érode progressivement ;

  • l’apprentissage reste performant en matière d’insertion, mais devient plus coûteux à porter pour les acteurs de terrain ;

  • la formation est de plus en plus utilisée comme variable d’ajustement budgétaire, malgré son efficacité démontrée.

Autrement dit, ce décret ne marque pas une rupture, mais une étape supplémentaire dans un changement de cycle.


 

Le décret du 8 décembre 2025 ne constitue pas une réforme spectaculaire, mais il marque une étape supplémentaire dans la rationalisation budgétaire de l’apprentissage.

Pour les organismes de formation, il impose une adaptation rapide :

  • meilleure maîtrise des coûts,

  • justification accrue des dépenses,

  • anticipation des cycles longs de financement.

L’enjeu dépasse la seule technique financière : il pose la question du modèle économique durable de l’apprentissage, à l’heure où son efficacité n’est plus à démontrer mais où ses conditions de financement se resserrent.


 


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SOURCES

  • Décret n° 2025-1174 du 8 décembre 2025 relatif aux procédures de détermination des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage, Journal officiel du 9 décembre 2025
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